Sylvie, entrepreneuse française, a récemment déplacé une partie de ses activités outre-Manche, attirée par un climat d’affaires séduisant et des perspectives fiscales qui semblent plus légères. Pourtant, elle n’a pas franchi la Manche : elle vit toujours en France, où se trouve son foyer principal. Voilà qui soulève une question épineuse : peut-on continuer à vivre en France tout en versant ses impôts au Royaume-Uni ?
Entre les lois fiscales qui varient d’un pays à l’autre et les accords signés pour tenter d’harmoniser tout cela, le quotidien de ceux qui travaillent à l’international devient vite un vrai casse-tête. Sylvie se retrouve à jongler avec les réglementations françaises et britanniques pour savoir où elle doit s’acquitter de ses impôts. Ce genre de situation concerne bien plus de monde qu’on ne l’imagine : expatriés, freelances à l’international, entrepreneurs mobiles… Tous sont confrontés à ce même maillage réglementaire.
La résidence fiscale
Savoir où déclarer ses impôts dépend avant tout de la notion de résidence fiscale. La France, par exemple, considère comme domicilié fiscalement sur son territoire toute personne remplissant l’un des critères suivants :
- Son domicile ou son lieu de séjour principal se trouve en France
- Son activité professionnelle principale y est exercée
- Son centre d’intérêts économiques s’y situe
Prenons Sylvie : elle vit la majeure partie de l’année en France. Sauf si elle satisfait aux critères du Statutory Residence Test appliqué au Royaume-Uni, elle sera considérée comme résidente fiscale française. Ce test, mis en place par le HMRC, repose sur une série de règles précises pour déterminer qui est résident fiscal britannique.
Les Français non résidents qui possèdent encore des biens en France doivent eux aussi composer avec la question de la double imposition. Les conventions bilatérales tentent de limiter ce risque. Celle qui lie la France et le Royaume-Uni permet, par exemple, de profiter de crédits d’impôt pour éviter de payer deux fois sur les mêmes revenus.
Pour ceux qui, comme Sylvie, jonglent entre deux pays, il est capital de comprendre les particularités de chaque législation. Même si la coordination entre le fisc français et le HMRC n’a rien d’un long fleuve tranquille, des solutions existent. Le choix du lieu de résidence fiscale ne se prend pas à la légère : il a des conséquences durables sur les obligations déclaratives et le montant final à payer.
Les différences entre les systèmes fiscaux français et britannique
Côté français, le prélèvement à la source a bouleversé les habitudes depuis 2019 : désormais, l’impôt est directement soustrait des revenus. Cette méthode vise à fluidifier le paiement et limiter les risques d’impayés. Outre-Manche, le Royaume-Uni reste fidèle à son Self Assessment tax return : chacun doit déclarer ses revenus chaque année auprès du HMRC.
Les barèmes diffèrent : la France applique des taux progressifs de 0 % à 45 %, tandis qu’au Royaume-Uni, les tranches vont de 20 % à 45 %. À cela s’ajoute un abattement personnel, le Personal allowance, qui permet à chaque résident britannique de déduire une part de ses revenus avant imposition.
Les conventions fiscales bilatérales jouent un rôle majeur pour éviter de payer deux fois. L’accord entre la France et le Royaume-Uni prévoit des crédits d’impôt qui réduisent l’impact de la double imposition sur les mêmes ressources. Mais attention : le HMRC exige que tous les revenus de source étrangère, y compris ceux générés en France, soient déclarés par les résidents britanniques.
Autre point de divergence : la fiscalité sur le patrimoine. La France impose l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) sur les biens situés sur son sol, alors que le Royaume-Uni ne connaît pas d’équivalent. Pour les expatriés et les entrepreneurs, il s’agit de bien mesurer ces écarts pour choisir la stratégie fiscale la plus pertinente.
Les règles d’imposition des différents types de revenus
Avant de déclarer ses revenus, il faut réunir les bons documents. En France, le formulaire 2042 est incontournable pour toute déclaration. Les Français non résidents doivent l’envoyer chaque année au Service des impôts des particuliers non-résidents (SIPNR). Si le transfert de résidence fiscale a lieu en cours d’année, le formulaire 2042-NR vient s’y ajouter.
En ce qui concerne les loyers perçus sur des biens en France, le barème progressif s’applique, avec un passage possible par la case des prélèvements sociaux. Comme l’explique Anthony Sala, ces revenus sont soumis à l’impôt sur le revenu et, pour éviter une imposition double, des dispositifs de crédit d’impôt existent pour les expatriés.
L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) demeure géré par le SIPNR pour les non-résidents. Détenir un bien immobilier en France signifie être redevable de l’IFI, même si l’on vit au Royaume-Uni. Les seuils d’imposition et les déductions doivent donc être scrutés de près.
Autre dossier sensible : les contrats d’assurance vie. Beaucoup ne respectent pas les normes britanniques et exigent une vigilance particulière. Pour le remboursement des prélèvements sociaux, le document P60 peut être demandé. Il convient donc de vérifier la compatibilité de chaque placement financier avec la réglementation française et britannique.
Comment éviter la double imposition
Pour ne pas être taxé deux fois sur les mêmes revenus, il faut s’appuyer sur la convention bilatérale France-Royaume-Uni. Ce texte, élaboré selon les standards de l’OCDE, répartit les droits d’imposition entre les deux États. Il prévoit des crédits d’impôt pour compenser l’impôt payé à l’étranger, évitant ainsi la double peine.
Les principaux mécanismes
Voici les dispositifs qui permettent de réduire la charge fiscale si l’on est concerné par les deux pays :
- Crédit d’impôt égal : il permet de soustraire de l’impôt français le montant payé au Royaume-Uni. Le crédit correspond à ce qui a été versé à l’étranger.
- Exonération de certains prélèvements : les résidents britanniques échappent à la CSG et à la CRDS sur les revenus perçus en France.
Les démarches administratives
Pour bénéficier de ces dispositifs, il faut respecter certaines procédures :
- Remplir les documents adéquats, comme le formulaire 2042 pour la déclaration de revenus, ou le 2042-NR en cas de changement de résidence fiscale en cours d’année.
- Déposer une Self Assessment tax return auprès du HMRC pour déclarer l’ensemble de ses revenus mondiaux au Royaume-Uni.
Les conventions fiscales, bien exploitées, facilitent le parcours fiscal des Français non résidents. Elles offrent des leviers pour éviter les doubles prélèvements et optimiser la gestion de ses obligations dans chaque pays. À condition de bien s’informer et d’anticiper, il devient possible de naviguer entre les administrations sans risquer le naufrage fiscal.
Vivre entre deux rives fiscales, c’est accepter l’incertitude et la complexité. Mais pour ceux qui s’arment de patience et de méthode, la frontière entre France et Royaume-Uni devient moins infranchissable qu’il n’y paraît.


